Harcèlement : En parler à la Maison

Être à l’écoute, discuter, s’inquiéter… Voici ce que les parents peuvent faire quand ils sentent que leur enfant n’a pas un comportement habituel. Les conseils de quatre experts.

« J’ai découvert que mon fils de 12 ans a volé de l’argent dans mon porte-monnaie. Je le trouve agité et irritable en ce moment. Je me demande s’il n’est pas harcelé. »

EXPERT MARIE QUARTIER, DIRECTRICE DU RÉSEAU ORFEEE :

Ce qui doit nous alerter, c’est un changement notable dans le comportement et dans l’humeur de notre enfant. Si l’on est inquiet, il faut absolument en parler avec lui, en choisissant un moment favorable, où l’on est en tête à tête. Le trajet en voiture est une bonne option. S’il se livre, l’important est de lui faire sentir que l’on prend vraiment très au sérieux ce qu’il vit, en précisant que l’on ne porte aucun jugement et surtout en évitant de donner des conseils. Cela pourrait sous-entendre qu’il est facile de se sortir de cette situation, alors que lui, justement, ne trouve pas d’issue. On peut lui demander ce qu’il attend de nous, lui proposer d’élaborer ensemble une stratégie tout en lui affirmant que l’on ne fera rien sans son accord. Il doit voir en nous un allié, comprendre qu’il n’est désormais plus seul face à cette maltraitance. S’il ne nous parle pas, on réfléchit à qui pourrait l’amener à se confier (un parrain, un cousin, un ami très proche).

« Mon fils Jules, 7 ans, est bagarreur et joue au chef dès qu’il est en groupe… Sans état d’âme, il divise pour mieux régner. Comment faire pour éviter qu’il devienne harceleur ? »

EXPERT CATHERINE VERDIER, PSYCHOLOGUE :

Pour qu’un enfant crée avec ses camarades des relations saines sans chercher à nuire, il doit avoir une bonne estime de lui-même et faire preuve d’empathie. Bien souvent, les harceleurs se sentent inférieurs et, pour être forts et gagner en popularité, ils ont besoin de rabaisser les autres. L’idée est donc d’aider son enfant à s’aimer et à être fier de lui dès le plus jeune âge. En l’encourageant, en le félicitant dans ses apprentissages, en lui consacrant une écoute attentive, sans minimiser l’importance de ses soucis. Des gestes affectueux, des mots gentils feront de lui un petit être bien dans sa peau. Être capable d’éprouver ce que l’autre ressent peut éviter à un enfant de devenir harceleur. Il n’aura pas envie de faire subir à son prochain ce que lui-même ne pourrait supporter. L’empathie se transmet essentiellement par l’exemple donné par nous, parents, comme partager sa baguette avec un SDF à la sortie de la boulangerie, laisser notre place dans le bus…

« Rose est en CM1. Timide et en léger surpoids, elle a du mal à s’intégrer dans les groupes. J’ai peur qu’on se moque de son physique et qu’elle soit harcelée. »

EXPERT CAMILLE BENOÎT, PSYCHIATRE :

Si le parent se demande si son enfant souffre de son apparence, il doit l’amener à se confier. Il peut, par exemple, raconter une anecdote : « Je me souviens quand j’étais à l’école, il y avait un jeune qui s’était fait embêter parce qu’il était tout petit… » Puis lui poser la question : « Et toi, comment tu te sens dans ton corps, est-ce que tu as peur du regard des autres ? » Si c’est le cas, on lui explique très clairement que personne, absolument per- sonne, n’a le droit de se moquer des différences des autres, c’est mal, c’est interdit ! Savoir distinguer ce qui est bien de ce qui est inacceptable va lui permettre de repérer plus facile- ment les élèves dont il faut se tenir à distance. On n’oublie pas non plus que, seul dans une cour de récré, l’enfant est une proie facile. Il faut donc l’aider, surtout s’il est timide, à développer un noyau amical en favorisant les rencontres avec des camarades de son école.

« Lucas, 13 ans, passe beaucoup de temps sur les écrans et sur les réseaux sociaux. Il a un smartphone et sait parfaitement déjouer notre attention. Je crains le cyberharcèlement .»

EXPERT JUSTINE ATLAN, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’ASSOCIATION E-ENFANCE :

Il n’y a pas d’outils vraiment efficaces contre le cyberharcèlement. En revanche, on peut aider son ado à s’en protéger. Avant toute chose, on doit lui conseiller de réfléchir avant de publier. « A-t-il vraiment envie de rendre public son message ? Ne craint-il pas les moqueries ? Sera-t-il toujours capable de l’assumer devant tout le monde ? » Rien ne s’efface sur Internet, même sur Snapchat dont le contenu est pourtant éphémère. On s’informe sur ses applis préférées (Tik Tok, YouTube et Instagram) et la manière dont il les utilise. « A-t-il limité l’audience de ses publications, caché sa liste d’amis… » En parler avec lui de façon naturelle permet d’avoir des discussions régulières sur les usages numériques et ses dérives. Avec les plus jeunes, jusqu’à 12 ans inclus, on met en place un contrat. « Ok, tu peux utiliser Snapchat mais à la condition de me donner ton mot de passe pour pouvoir vérifier de temps à autre que tout va bien. »

Elisabeth DE LA MORANDIÈRE 

Source : APEL.FR – Déc.2019